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À la rencontre de Third Editions : Entretien avec Nicolas Courcier

Dernière mise à jour : 30 juin

Extrait de Tiens, tiens... N°3


Entretien avec Nicolas Courcier

Créée en 2015, Third Editions est une maison d’édition spécialisée dans les ouvrages sur le jeu vidéo et la pop culture de manière générale. Spécialisée dans l’analyse des grandes œuvres de la culture populaire, Third Editions ne cesse d’élargir son offre éditoriale année après année et propose à ce jour plus d’une centaine d’ouvrages. De Final Fantasy à Game of Thrones, en passant par Zelda, Jurassic Park, The Office ou encore Kingdom Hearts, Third Editions apporte un regard nouveau et revient en détail sur la création de ces œuvres cultes. Après les avoir contactés, j’ai eu la chance de pouvoir échanger avec Nicolas Courcier, l’un des co-fondateurs de Third Editions, pour qu’il puisse me parler de la création de cette maison d’édition, de son métier, et de la façon dont sont pensés les livres chez Third Editions.



Bonjour, un immense merci d’avoir accepté de prendre du temps pour cet entretien. J’aime beaucoup le travail que vous faites, et c’est un plaisir de pouvoir en parler dans mon magazine. Avant toutes choses, est-ce qu’on peut se tutoyer ?


Oui bien sûr !


Super merci. L’idée aujourd’hui c’est qu’on commence par parler de la maison d’édition et de sa création, des personnes qui y travaillent, et de son quotidien, puis qu’on évoque ensuite ses ouvrages, son ADN : ça te convient ?


Oui très bien.


Rapidement pour présentation : toi c’est Nicolas Courcier, en 2015 tu crées avec ton ami et collègue Mehdi El Kanafi Third Editions. Est-ce que tu peux me présenter cette maison d’édition, et ce que c’est que Third ?


Alors, déjà, avec Mehdi on est potes, on se connait depuis qu’on est jeunes. On était quasiment voisins en fait. Donc on était potes avant de bosser ensemble, on était fans de jeux vidéo et fans de presse jeux vidéo. On achetait toujours les magazines qui sortaient, et on voulait bosser là dedans quoi. Sauf que l’évolution a fait qu’au moment où on a fini nos études, la presse jeux vidéo ça ne marchait plus tellement. Et donc on s’est dirigé vers le livre de jeux vidéo, qui était un truc encore assez récent à l’époque. Et voilà, donc on a monté notre première maison d’édition qui s’appelait Console Syndrome. Mehdi avait suivi un BTS Édition, donc il a pu nous aider. On s’est retrouvés à sortir nos premiers livres, sur Assassin’s Creed, sur Zelda, etc. On traitait surtout des séries qui faisaient l’actu, les séries du moment. Puis on s’est retrouvé à croiser Pix’n Love à de multiples reprises. Eux étaient vraiment sur le retrogaming, c’est ça qui a fait leur force et qui les a fait connaître. Et on s’est dit “Écoutez, nous on fait du jeu actuel, est-ce qu’on pourrait pas faire un truc ensemble ?”. On les a donc intégrés, et on a bossé avec eux. Ça a duré trois ans, et puis en 2014, avec Mehdi, on s’est dit qu’on voulait faire autre chose, et on a donc quitté Pix pour monter Third. Donc voilà, ça va faire dix ans dans deux mois, le temps passe vite !


Tu en parlais, à la base Third Editions c’est des ouvrages sur les jeux vidéo, très souvent japonais : c’est volontaire, parce que c’est ce que vous aimez ?


C’est ça. En fait nous, tout bêtement, on a fait des bouquins sur les séries qui nous plaisaient le plus, et c’est vrai qu’on est plutôt des joueurs consoles, des joueurs élevés avec les jeux japonais. On a commencé très tôt, génération NES, Master System. C’est vrai qu’on était très Nintendo, très Sega, très Playstation, donc c’est pas un hasard en fait. C’est pour ça qu’on a commencé par du Zelda, du Metal Gear, etc. Mais après, on aime tout nous, c’est pour ça que derrière on a aussi fait du Bioshock, on touche un peu à tout quoi.


Ok, je vois. Et du coup, à la base, ça a été créé par Mehdi et toi, et maintenant vous êtes combien à travailler chez Third Editions ?


On est cinq. Quatre à Toulouse, et une cinquième personne qui est en télétravail un peu plus loin. Ça fait un petit moment qu’on est cinq. C’est un bon chiffre, on ne veut pas non plus grossir outre mesure, l’objectif c’est pas de devenir une équipe gigantesque. Cinq, six, c’est un bon chiffre !


Et c’est quoi vos métiers ? J’imagine qu’il y a plusieurs éditeurs, peut-être un graphiste, est-ce que tu peux m’en dire un peu plus ?


Oui, écoute, déjà, le fait qu’on soit une petite équipe, ça fait qu’on a souvent plusieurs casquettes, on fait souvent plusieurs trucs. On a Damien, Ludo, qui eux sont vraiment éditeurs sur les bouquins en tant que tel. Leur mission c’est d’accompagner un projet, du moment de la signature d’un contrat avec un auteur jusqu’à l’impression. Il y a Ken [NDLR : Ken a depuis quitté Third, et la rédaction a accueilli Marion] aussi, qui est à la fois sur la partie logistique, sur le site Internet ou pour gérer les stocks par exemple, et sur la partie graphisme, avec tous les visuels que tu vois sur les réseaux sociaux notamment. Et après, avec Mehdi, on fait plein de trucs. L’administratif déjà, un peu sur les bouquins aussi, et puis tous les trucs nuls, la compta etc. On s’est occupés de superviser les traductions anglaises aussi, vu qu’on a une partie de notre catalogue en anglais. Donc en vrai on est tous assez polyvalents dans l’équipe.


Je m’en doute oui, avec une petite équipe comme ça, on touche souvent à tout. Pour parler des livres maintenant, je voulais qu’on commence par un point assez important des livres Third. Historiquement, c’est des livres que vous avez pensés sans illustrations. Plus que volontaire, c’est quelque chose de revendiqué : est-ce que tu peux m’expliquer ce choix ?


Et bah c’est devenu revendiqué avec le temps, mais à la base, c’est parce qu'on n'avait pas le choix en fait. Les histoires de droits d’auteur tout bêtement. Notre premier bouquin sur Assassin’s Creed, on l’a fait et on a eu une chance inouïe en fait, parce qu’Ubisoft a accepté qu’on fasse le projet et de nous filer du matos sans droit de regard, ce qui normalement ne fonctionne pas comme ça, mais c’est une exception. Quand on s’est attelés à Zelda on s’est dit “bon, là, Nintendo, ça va être plus compliqué d’avoir le droit d’utiliser des visuels officiels et tout, donc on va le faire en noir et blanc”. Et c’est parti de là, notre ADN, l’identité qu’on allait décliner par la suite : des bouquins d’analyse sans illustrations en noir et blanc, ce qui est devenu notre marque de fabrique. Aujourd’hui on trouve ça cool, on en est fiers. Après, on voit que les joueurs s’y sont habitués, mais on a toujours des irréductibles qui nous disent “ah non, il n’y a pas d’images, moi ça m’intéresse pas”. Voilà, ça reste le cœur de ce qu’on a fait, mais on sort quand même des illustrés aussi, ça dépend.


Complètement, c’était ma prochaine question : on voit que votre proposition éditoriale s’élargit, avec des livres plus illustrés, comme celui sur la création de Prince of Persia [La création de Prince of Persia. Carnets de bord de Jordan Mechner 1985-1993], ou encore plusieurs artbooks. C’est une volonté affichée ?


En fait, ce livre, c’est la traduction d’un livre anglais, qui revient sur la création de Prince of Persia. On l’a fait parce qu’on a pu entrer en contact avec l’auteur et créateur de la série, Jordan Mechner. C’était une très bonne opportunité, alors on l'a fait. C’est comme ça qu’on fonctionne, on fait selon les opportunités.


Ok, du coup, de manière générale, l’idée est quand même de rester sur des ouvrages concentrés sur le texte ?


Ouais, complètement : déjà, ça nous plaît, et ça permet de rester totalement libres, d’éviter des échanges sans fin avec des éditeurs, qui devraient valider chaque étape etc., c’est vraiment plus compliqué. Donc on continue comme on fait à l’heure actuelle, ça nous va bien, et puis les gens ont l’air de bien kiffer.


Je vois. De toute façon, vous pouvez tout de même décliner votre modèle de plein de façons, je pense au livre La Légende Final Fantasy VII Remake, qui propose quand même un contenu assez original.


Oui oui, il y a toujours moyen de faire des propositions graphiques, même en noir et blanc, qui rendent le livre attrayant. C’est vrai qu’on aime bien le faire de temps en temps, pour des sujets qui nous tiennent à cœur : ça plaît en général. C’est vrai qu’on nous parle souvent de ce livre, La Légende FF7 Remake.


Pour parler des auteurs maintenant, je voudrais qu’on parle des tous premiers auteurs de Third, à savoir Mehdi et toi. Vous avez écrit les livres qui ont lancé la maison d’édition, que ce soit celui sur Zelda, sur FF7, sur Metal Gear... Aujourd’hui, vous n’écrivez plus du tout ?


En fait, on a été auteurs, bon, ça nous plaisait, mais c’était surtout parce que ça nous permettait d’économiser de l’argent si on le faisait nous-même. On avait pas du tout de thune, alors c’était plus facile de faire comme ça. Mais aujourd'hui, on aurait plus du tout le temps d’écrire des livres. C’est un process’ qui demande beaucoup de temps. Moi quand je vois ces auteurs qui ont leur boulot à temps plein et qui en plus écrivent des livres à côté je me dis chapeau !


Et du coup, les auteurs Third, qui sont-ils ? C’est des gens que vous démarchez avec un sujet en tête, ou alors justement ce sont des passionnés qui vous contactent et vous amènent l’idée ?


À la base, on allait justement chercher les mecs dont on appréciait le style, le travail. Je te parlais de la presse jeux vidéo qu’on connaissait bien, ça nous permettait d’essayer de choper le spécialiste de tel ou tel sujet. Et c’est vrai que peut-être 80% des auteurs, c’est nous qui sommes allés les chercher, mais la tendance commence un petit peu à changer. On nous contacte beaucoup plus avec des projets, ce n’était pas forcément le cas au début. C’est cool, parce que nous on ne connaît pas tout, et on ne peut pas tout lire, et on a fait un peu le tour des gens qu’on connaissait *rire*.


Oui, puis au-delà des auteurs, même les sujets vous commencez à en avoir traité un bon paquet, j’imagine que vous commencez à avoir fait le tour de ce que vous vous connaissez.


C’est vrai que dans le jeu vidéo, on a traité pas mal de séries. Sinon, il faut trouver d’autres approches, pour se renouveler. C’est cool aussi, ça permet de ne pas se reposer sur ses lauriers non plus.


Après, ça ne vous dérange pas non plus de revenir sur des sujets déjà traités, je pense par exemple au livre Le Monde selon Final Fantasy. C’est une volonté de votre part de revenir sur des sujets déjà abordés il y a longtemps ?


Ouais écoute, il y a de ça, et il y a aussi que des séries comme ça, comme Zelda, ça va toujours fonctionner. Et puis aussi il y a que n’importe quel jeu ou série peut être traité différemment selon l’auteur. Il y a autant d’approches que d’auteurs. Et puis avec le temps, les façons de travailler évoluent. On ferait le livre FF7 aujourd’hui, il serait très différent. Donc ouais, on ne s’interdit pas de cantonner une série à un seul projet. Final Fantasy on pourrait écrire 50 bouquins, ils seraient tous différents. Mais après, l’idée c’est que ça reste intéressant pour nous, mais pour les lecteurs aussi.


J’imagine que du coup, quand des collègues d’autres maisons d’édition sortent des livres sur des sujets que vous avez prévu de faire, ça ne vous porte pas préjudice du coup ?


Non non, tu vois Zelda par exemple, il y a peut-être 7-8 livres sur le marché, et chacun a son approche et l’identité de son éditeur, et chacun se complète. Le bouquin de Pix ne sera pas le même que le bouquin d’Omake [Books] qui ne sera pas le même que le nôtre. Et puis en librairie, ça permet de gonfler l’offre et d’attirer un public peut-être nouveau, avec par exemple des étagères dédiées aux analyses des Zelda ou autre. Si le livre était tout seul, il serait un peu perdu parfois.


Et du coup, tu parlais des librairies : on vous trouve en librairies plus ou moins spécialisées, mais aussi chez des plus gros vendeurs, comme la Fnac ou Cultura. Comment ça se passe pour avoir ses livres là-bas ?


Alors nous on bosse avec un diffuseur et un distributeur, c’est deux sociétés différentes, mais en gros, c’est eux qui s’occupent de placer tes bouquins en librairie. Nous on leur file un stock global, et ils se débrouillent. L’objectif, c’est d’être dispo partout, pour toucher un maximum de public. Aujourd’hui, dans n’importe quelle librairie quelle qu’elle soit, si il n’y a pas un livre à nous, tu peux le commander parce qu’on fait partie du réseau de livre classique. C’est indispensable pour notre activité, parce que la vente directe sur notre site ne suffit pas.


Tu parles du site : c’est la meilleure façon de vous soutenir d’acheter dessus ?


Oui c’est ça ! Le site, on ne partage pas l’argent, contrairement aux librairies. Mais c’est vrai que voilà, le site, il y a des frais de port, on est pas Amazon. C’est pour ça qu’on a des systèmes de fidélité pour remercier les gens qui achètent dessus. Tous les 5 livres achetés, on offre un petit livre, pour remercier du soutien [NDLR : Les collections Ludothèque et Médiathèque sont des livres non disponibles à la vente offerts tous les 5 achats sur le site].


Et à l’heure actuelle, la majorité des achats proviennent du site, ou des librairies ?


La majorité des achats viennent de librairies, des réseaux de distribution classiques, mais en terme de chiffre d’affaires, vu qu’on fait plus de marge sur le site, ça s’équilibre. C’est du 50/50 en gros.


Pour en revenir aux auteurs, tu peux m’expliquer comment se passe la collaboration avec eux ? Est-ce qu’ils travaillent dans leur coin une fois le contrat signé, est-ce qu’il y a de nombreux allers-retours entre eux et vous ?


Ça dépend des auteurs. Tu en as qui vont être demandeurs de suivi régulier, d’échange constant. Tu as aussi des mecs, ils vont disparaître pendant cinq mois, et revenir avec un livre fini. En général, nous on encourage la communication en amont, parce que le rôle de l’éditeur, c’est vraiment d’accompagner l’auteur à tous les niveaux. Que ce soit pour répondre à ses questions, le rassurer s'il a des doutes, mais aussi d’être une force de propositions, de dire “ce truc-là, je pense tu peux développer”. Et être auteur, ça peut être un travail très solitaire et pas évident, il faut produire quand même une immense quantité de texte, ça demande du boulot etc. Alors il y en qui aiment bien être juste dans l’interaction pour donner un peu des news et avoir un locuteur à qui s’adresser. Mais après, il y a autant de cas particuliers que d’auteurs en fait.


Justement, je me demandais, ça se passe comment en tant qu’éditeur quand vous accompagnez des auteurs sur des sujets que vous ne connaissez pas, ou même que vous n’aimez pas ?


C’est la même démarche. À mon sens, être un bon éditeur, c’est indépendant du sujet. Tu dois être là et avoir le même niveau d’engagement, le même niveau de conseil, que tu connaisses ou pas, que tu aimes ou pas. Tu accompagnes un auteur dans sa démarche, et ton rôle c’est de l’aider, et ça, tu peux toujours le faire, peu importe de quoi il parle.


En moyenne, après la signature du contrat avec un auteur, combien de temps il faut pour que le livre paraisse ?


En général, quand on signe un auteur, on lui dit un an. Il faut que le texte soit écrit et terminé dans un an : si tu laisses trop de temps, ça ne devient une priorité pour personne, donc il faut mettre une deadline qui soit pas trop éloignée. Et après, une fois le manuscrit fini, il faut compter entre trois et six mois de travail, de correction, de maquette etc. Il y a ensuite un mois d’impression. Donc on va dire en moyenne un an et demi, variable selon les auteurs, les sujets et les circonstances évidemment.


Et toute la partie maquette, couverture etc., c’est quelque chose qui se fait uniquement de votre côté, ou en collaboration avec l’auteur ?


L’auteur, lui, une fois qu’il a écrit le manuscrit, son travail il est terminé. Il y en a qui aiment bien s’impliquer, qui donnent des pistes, des idées pour les couvertures par exemple, mais c’est vrai que tout ce qui concerne le livre en lui-même, c’est plus la prérogative de l’éditeur. Nous on aime bien réfléchir la couverture avec eux, du moins en discuter, mais le niveau d’investissement va beaucoup dépendre des auteurs. Il y en a, une fois que c’est terminé, ils sont soulagés, ils nous laissent nous occuper de ça et ils passent à autre chose. D'autres s’intéressent à la maquette, à notre métier etc. Mais comme je le disais, ça reste le métier de l’éditeur.


Et pour ce qui est des couvertures, que ce soit les couvertures classiques ou les First Print [NDLR : des éditions en tirage limité disponibles uniquement sur le site], la collaboration avec les illustrateurs, elle se passe comment ? C’est vous qui allez vers des gens que vous aimez en leur disant “je sais que tu connais bien cet univers, est-ce que ça t'intéresserait ?” ou alors ce sont des illustrateurs qui vous contactent avec un portfolio ? Ou même qui vous envoient leur travail sur un univers en particulier, et se positionnent sur un hypothétique livre.


Alors, on a souvent des mails d’illustrateurs qui se signalent par leur travail, mais jamais pour un univers en particulier. C’est juste “voilà ce que je fais, voilà mon style, voilà mon portfolio”. Et donc nous on a un petit dossier sur Discord avec les illustrateurs que l’on recense, et on essaie de matcher des univers, des styles, avec des ouvrages. L’idée c’est de trouver l’illustrateur le plus adapté à l’ouvrage.


On parlait à l’instant des couvertures, notamment les First Print : ça donne à la fin des livres qui sont à la fois intéressants sur le fond, mais également sur la forme. Ce sont des très beaux objets, et ça témoigne d’un amour pour ce genre de belles pièces que l’on trouve dans le jeu vidéo et la pop culture de manière générale. Un amour partagé par vos lecteurs, qui peut expliquer qu’ils se tournent vers vous plutôt que vers d’autres maisons d’édition. Est-ce que tu peux me parler du travail que vous faites sur l’objet en tant que tel, qui est aussi soigné que celui que vous faites sur le texte ?


En fait, dès le début, on ne s’est pas dit “il faut qu’on fasse un livre luxueux, super classe et tout”. Ça s’est fait naturellement parce qu’on aimait l’objet livre et le livre, on associe ça à quelque chose d’élégant, couverture cartonnée, un truc un peu classe. Et encore une fois, c’est le livre Zelda, je pense, qui a fait que c’est devenu une norme pour nous, parce que Zelda, on a dû réfléchir à une idée de couverture sans pouvoir utiliser le héros et les visuels. Ça nous a tout de suite évoqué le côté vieux manuscrit, vieille histoire racontée, le côté prestige aussi, avec les cartouches NES qui étaient dorées, et qui donnait à la saga son prestige. C’est parti de cette couverture, et ça a conditionné nos couvertures d’après, et nos livres de manière générale. C’est vrai que nos lecteurs sont des fans de jeux vidéo, souvent des collectionneurs, et ils partagent cet amour des beaux objets, on se retrouve là dessus. Et c’est vrai que contrairement au cinéma, à la musique ou même au jeu vidéo qui s’oriente de plus en plus vers le démat’, le livre garde toujours ce côté physique, un peu prestigieux. Lire un livre sur une liseuse, ce n’est pas la même expérience. Et c’est vrai qu’en France, on a aussi une histoire privilégiée avec le livre, et l’imprimerie de manière générale. De manière générale, le livre a un peu un côté sacralisé, mais dans le bon sens du terme, et on est très content de ce qu’on propose.


Vous avez réussi à développer une véritable identité, que l’on retrouve jusque dans les visuels sur les réseaux sociaux et le site Internet, qui participe à développer tout cet univers graphique. Tu le disais au début, c’est Ken qui s’en occupe de ça, c’est bien ça ?


Ouais exact, il fait tous les visuels.


Et ce côté élégance, prestige, on le retrouve sur les éditions First Print également.


Les First Print, l’idée c’était d’avoir une édition du livre exclusive, qui propose une illustration différente, avec une lithographie aussi, mais que le contenu reste le même, pour ne surtout pas conditionner à la thune l’accès à l’information quoi. L’idée c’est juste de proposer une alternative pour 5€ de plus, disponible uniquement sur le site Internet, pour pousser encore plus à nous soutenir. On voulait pas faire monter trop le prix, et on trouve que c’est le juste milieu entre édition collector et accessible. Même chez Pix’n Love, c’est quelque chose qu’on a toujours fait et apprécié.


À titre personnel, est-ce qu’il y a des livres que vous avez fait que tu aimes plus que d’autres ? Que ce soit parce que t’as bossé dessus, que c’est un sujet qui t’intéresse, ou juste que tu trouves qu’il est bien ?


C’est comme choisir son enfant préféré ça, c’est impossible !*rires* Quoi qu’on dise, il y en a qui vont être déçus. Alors je vais prendre l’option mégalo, c’est-à-dire celui sur Zelda, alors pas parce que c’est le meilleur bouquin du monde, mais parce que c’est un peu lui qui a défini ce qu’on allait faire tu vois. Mais il y a plein de bouquins qu’on a fait que j’adore, des auteurs dont je suis très fan ! De manière générale, on est très fiers de ce qu’on sort.


Il y a de quoi ! Je change un petit peu de sujet, mais je me suis fait la remarque, et il me semble que vous l’avez évoqué dans un podcast d'ailleurs : j’ai trouvé en lisant le livre sur The Last of Us qu’il gardait les trois piliers de vos ouvrages, c’est-à-dire “Univers”, “Création” et “Décryptage”, mais qu’il le faisait d’une façon un peu nouvelle, moins compartimentée et segmentée. Une sorte d’évolution de votre modèle habituel : c’était une volonté de la part de l’auteur, ou alors une demande de votre part, pour renouveler la formule ?


Oui, je vois de quoi tu parles : alors écoute, c’est une idée qui vient de l’auteur à la base. Quand on a commencé à écrire nos premiers bouquins, on a un peu figé cette structure là, et on l’a tellement martelée qu’on a un peu conditionné nos auteurs là-dessus. Et à l’époque, c’est vrai que ça nous plaisait d’avoir ce côté encyclopédique, très segmenté, mais avec le temps, on s’est aussi rendu compte que le plaisir de lire un livre, c’est aussi de commencer, et de n’avoir plus envie de s’arrêter ; de suivre un fil directeur, une pensée, tout au long de l’ouvrage. Et c’est là que le travail de Nicolas Deneschau sur Last of Us nous a grave plu. Et c’est aussi quelque chose qui vient avec l’expérience, parce que c’est pas son premier livre, il a fait Uncharted, Monkey Island, il doit avoir écrit quelque chose comme 3 livres pour nous à l’époque, donc c’est logique qu’il propose quelque chose de nouveau aussi. Et en fait, c’est devenu un peu le nouveau Zelda pour nous, dans le sens où c’est un peu un nouveau modèle dont on parle aux nouveaux auteurs en disant “écoutez, on sait qu’on rabâche “Création”, “Univers”, “Décryptage”, c’est des choses qui nous tiennent à cœur et qu’on souhaite voir dans le livre, mais ne pensez pas nécessairement votre structure comme ça. Pensez-la avant tout comme un essai avec un angle d’analyse précis. On ne cherche pas forcément à être encyclopédiques ou exhaustifs, il faut tout bêtement que ce soit intéressant”. Donc ouais, aujourd’hui, on encourage les auteurs à aller dans ce genre de direction. On veut vraiment avoir à la fin un ouvrage qu’on n’a plus envie de lâcher une fois qu’on l’a commencé.


Toujours sur les livres, tu en parlais, vous commencez à avoir abordé un très grand nombre de sujets, et même si il y a toujours à dire dans le monde des jeux vidéo, vous élargissez de plus en plus votre proposition à des sujets comme la littérature, avec Le Seigneur des Anneaux, Game of Thrones, la musique de film même, avec un livre sur John Williams. C’est quoi la prochaine étape ?


Nous, élargir le spectre et proposer de plus en plus de sujets, c’est ce qu’on voulait faire depuis le début. Mais il ne faut pas brûler les étapes, et on a commencé par les sujets qui étaient les plus faciles pour nous, les plus susceptibles de plaire aussi, puis petit à petit, maintenant qu’on est de plus en plus identifiés par les lecteurs, on peut se permettre de sortir des livres sur des sujets plus de niche. Typiquement, le bouquin sur John Williams, on aurait jamais pu le sortir aux débuts de Third, ça n’aurait pas fonctionné. On a élargi en premier aux mangas, parce que c’est un lectorat dont la frontière avec les jeux vidéo est assez poreuse, et petit à petit, on continue à élargir la proposition. Il y a plein de pistes ! C’est vrai que la musique, on l’a à peine effleurée pour l’instant. On est resté dans les compositeurs d'œuvres pop culture, mais on peut aussi s’intéresser à la musique tout court, avec des bouquins sur des groupes de musique par exemple. On aime le sport aussi, ça pourrait donner des livres intéressants, il y a plein de choses à dire. Le jeu vidéo reste notre passion numéro 1, en tout cas celle à laquelle on consacre le plus de temps, mais on adore le ciné, la lecture, le sport, et l’idée c’est tout simplement d’évoquer les passions qu’on peut avoir tu vois. Avec Med, on est très fan de basket, de la F1, c’est clairement des choses qu’on a aussi envie d’évoquer.


Il n’y a vraiment pas de barrières.


Non, tant que les gens nous suivent, on continuera à ouvrir, et puis il y a un moment où on verra que ça marche pas, on nous dira stop, et ce sera la limite. Il faut voir jusqu’où les gens sont prêts à nous suivre.


J’ai vu plein de personnes se poser la question, vous en avez parlé en podcast : aller vers de la fiction chez Third Editions, c’est possible ?


Carrément ! C’est un peu l’étape 2. Bon, ça ferait une étape 1 très large, mais ouais, la fiction, c’est un univers totalement différent, un horizon nouveau pour nous, et une façon de nous stimuler en nous lançant un nouveau défi. Parce que c’est vrai qu’avec Med, on fait ce métier depuis un peu de temps quand même, on va pas dire qu’on a fait le tour, mais on commence à avoir une bonne routine, et c’est une façon de se lancer de nouveaux challenges. Un monde à découvrir !


Tu en parlais juste avant : vous êtes toujours autant des joueurs et des consommateurs de médias qu’avant, ça n’a pas changé ?


Non, et même plus d’ailleurs ! Tu vois, on a un podcast d’actus de jeux vidéo avec Mehdi, Red Alert, et c’est un truc qu’on fait avec très grand plaisir parce qu’on adore ça, on adore le jeu vidéo, on adore en parler, et plus le temps passe, plus c’est le cas.


Et tu penses que ça a quelque chose à voir avec le fait que ton métier t’incite à analyser peut-être plus qu’avant les œuvres que tu consommes ?


Ouais peut-être, mais en vrai, c’est quelque chose qu’on a toujours fait, on a toujours eu cette approche. Sans dire “intellectualiser” parce que c’est pompeux et que ça veut tout et rien dire, mais ouais, on a toujours eu cette approche curieuse du jeu vidéo, de tisser des liens entre des différentes œuvres, que ce soit des références, des inspirations, etc. On a toujours fonctionné comme ça, et c’est vrai que y a des gens qui pourraient dire que c’est pénible quand tu joues de toujours réfléchir, mais au contraire, nous c’est quelque chose qu’on faisait naturellement et qui nous stimule. Et c’est un truc qui nous anime toujours, tu vois ici, entre midi et deux, entre amis, sur Internet etc.


On en a parlé, vous avez lancé depuis un moment maintenant des podcasts, disponibles sur toutes les plateformes d’écoute. Tu peux m’expliquer d’où vient cette envie d’avoir cette présence médiatique différente ?


C’est comme l’idée de faire une maison d’édition parce qu’on aimait lire et chercher de la lecture sur les jeux vidéo, on adore écouter des podcasts donc on s’est dit que ce serait cool de le faire. Et puis c’est vraiment un média qu’il est facile de faire, il suffit d’un micro, d’un ordi, et c’est tout. Tout le monde peut le faire, avec de plus ou moins bonnes qualités de micro, mais sur le fond, c’est très accessible. Donc ça nous plaisait, nous donnait envie, et le revers de la médaille, qui n’était pas forcément une volonté de départ mais qui s’est avéré être très cool, c’est que ça permet d’humaniser un peu la maison d’édition. On est rarement au contact de nos lecteurs en fait, à part sur quelques salons comme la Japan Expo, et il n’y a donc finalement pas vraiment de dialogue avec notre public. On peut avoir des retours sur nos livres, mais ça prend parfois des semaines, des mois, c’est pas instantané. Donc tu peux avoir cette image de Third un peu monolithique, froide, et les podcasts permettent de mettre des voix sur les noms, de mettre en avant notre personnalité.


Oui, d’autant plus que vous ne vous mettez pas du tout en avant sur les réseaux sociaux de ce côté là, ça permet de vous connaitre un peu.


Exactement, bah c’est comme à l’époque de la presse jeux vidéo, où les journalistes avaient leur petite caricature qui les représentait, on s’attachait à eux, on apprenait leur style, leurs goûts, et on savait si nos goûts et les leurs concordaient. On s’attachait à eux, on se fiait à leurs avis, et ça permet de retrouver un petit peu cette dynamique, qui n’est pas ou peu possible avec nos livres.


C’est quelque chose que vous avez réussi à faire au final, parce qu’il y a très souvent des commentaires de gens qui découvrent des jeux, des séries ou autres grâce à vos livres, parce que justement ils se disent “ah tiens, il y a eu un livre Third dessus, je devrais jeter un oeil”.


Oui c’est vrai, et on a même des commentaires de gens qui nous disent qu’ils n’étaient pas du tout des lecteurs à la base, mais qui s’y sont mis grâce à nos livres, et qui ont par la suite ouvert le prisme à d’autres livres, ça fait super plaisir ça !


J’imagine oui ! C’est des mots qui sont touchants ! On approche de la fin, est-ce que tu aurais une petite actualité à nous partager ? Le magazine devrait sortir un petit peu avant l’été, donc peut-être même une exclu pas encore annoncée ?


Alors, avant l’été ? Je regarde le planning, je devrais pouvoir te trouver un petit biscuit, une petite exclu... Alors oui, on a un livre sur Cyberpunk 2077 qui n’est pas encore annoncé, qui va sortir aux alentours de cette période. L’auteur c’est Matthieu Boutillier, il avait déjà écrit un livre sur Gunnm, et c’est un super auteur, il est calé sur le côté cyberpunk et tout, donc c’était le candidat idéal.


Hâte de découvrir ça ! Avant de finir, est-ce que tu peux nous faire une recommandation pop culture ? Que ce soit un jeu, une série, un film, une musique ?


Écoute, c’est ma série du moment, la saison 2 vient de démarrer, alors je vais dire Severance. J’ai découvert la saison 1 que très récemment, justement en préparation de la 2, et c’est vraiment super, je suis à fond dedans.


Je te remercie pour ta recommandation, et également une nouvelle fois pour avoir accepté cet entretien, et je souhaite une excellente continuation ! J’ai hâte de lire vos prochains livres !


Merci à toi également, et bonne journée !

Entretien réalisé le 28 janvier 2025





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