Le Monde, Mario. Et tout ce qu'il y a dedans !
- Antoine Gros
- 10 juil.
- 11 min de lecture

Comment faire mieux que Mario Kart 8 ? Non pas qu’il s’agisse foncièrement du meilleur jeu de la série, ma préférence allant par exemple à Double Dash, mais avec sa réédition en 2017 sur Switch, sous l’appellation Deluxe, et son pass d’extension sorti en 2022 portant à 96 le nombre de circuits total, il s’impose naturellement comme l’aboutissement d’une formule démarrée plus de 25 ans auparavant sur Super NES. Vendu à plus de 68 millions d’exemplaires, il est l’opus de tous les records, et sa seconde vie sur la console nomade de Nintendo lui a permis de continuer à se vendre par palettes entières, même plus de 10 ans après sa sortie initiale sur Wii U. Encore aujourd’hui, on le retrouve régulièrement dans les tops hebdomadaires de ventes de jeux, et si l’envie d’un nouveau Mario Kart était effectivement bien présente, il était facile d’imaginer Mario Kart 8 continuer à se vendre en grande quantité pendant encore 2 à 3 ans. Seulement, Nintendo a fait le choix d’accompagner la sortie de sa nouvelle console, sobrement intitulée Switch 2, d’un nouveau Mario Kart. Ainsi, ce Mario Kart World, en plus de porter à lui tout seul ou presque cette nouvelle console, a également la lourde tâche de passer après l’opus le plus vendu de la série, possédé et adoré par une majeure partie des joueurs Nintendo. Pari tenu ou non, c’est ce que la rédaction de Tiens, tiens… vous invite à découvrir dans cette critique de Mario Kart World.
Let's Go !
Brièvement annoncé en janvier 2025, puis montré plus en détail en avril dernier, Mario Kart World est présenté aux joueurs comme une révolution pour la série. Après 8 titres principaux — sans compter les épisodes spéciaux — la formule Mario Kart semblait en effet bien rodée, et le contenu déjà gargantuesque de l’épisode précédent imposait de proposer quelque chose de différent d’une simple version bigger, better. Ainsi, le concept sur lequel est construit le jeu, comme en témoigne son titre, est celui d’un monde ouvert : exit donc les circuits traditionnels, et place à une zone de jeu gigantesque, au sein de laquelle sont implémentés de façon (plus ou moins) organiques les tracés des courses. Pour relier chaque circuit entre eux, des routes, appelées intermissions, sillonnent le monde ouvert. Monde ouvert oblige, le marketing met l’accent sur le mode Balade du jeu, permettant de se déplacer librement dans ce monde, afin d’en explorer chaque recoin, notamment en hors-piste.

Autre changement, les courses ne se font maintenant plus à 12 participants, mais à 24 ! Un nombre de concurrents plus important qu’auparavant, qui pose dès le départ la question de l’équilibrage du jeu. Mais nous y reviendrons. La première chose qui frappe, lorsque l’on lance Mario Kart World, c’est sa beauté : même en mode portable, le jeu est coloré, fluide et agréable à l'œil. L’écran de la Switch 2, bien qu’il ne soit pas OLED, est clairement de bonne qualité, et c’est un réel plaisir visuel. Les oreilles ne sont pas en reste, et la bande-son du jeu, composée notamment de remixs de morceaux des anciens Mario Kart, est l’un des points forts du titre. Mention spéciale au remix électro de la Plage Koopa que je trouve terriblement entraînant !
Mais qu’en est-il du jeu alors ? Avant d’aborder les différents modes de jeu, un petit point sur le gameplay : s’il reste très classique par rapport aux autres opus, quelques changements apportent de la fraîcheur à la formule bien éprouvée de la série. Le premier, et non des moindres, est la possibilité de glisser sur les différentes rambardes au sein des circuits : plus qu’un simple gimmick, le grind permet d’aborder les environnements différemment, et ouvre la porte à de gros gains de temps lorsqu’il est pratiqué intelligemment. Ce qui, il faut l’admettre, n’est au départ pas facile : cet ajout vient modifier la boucle de gameplay typique des Mario Kart, et il faudra plusieurs dizaines d’heures pour maîtriser ce nouveau gameplay. En addition de la mécanique de grind, il est maintenant possible de rouler quelques instants sur les murs, à condition de toucher ceux-ci avec un certain angle et d’avoir réalisé au préalable une figure en l’air. Une mécanique qui n’a l’air de rien, mais qui couplée avec le grind permet de prendre des raccourcis très techniques, et qui peut s’avérer décisive lors des courses les plus serrées. Facile à prendre en main, cette évolution du système de jeu est plus profonde qu’il n’y paraît, et il faudra encore une fois passer du temps à s'entraîner sur les différents circuits, pour en connaître tous les raccourcis, et surtout, pour réussir à les prendre. Lorsque l’on commence à maîtriser ces mécaniques, on se rend petit à petit compte de l’ingéniosité des circuits, et de la façon dont ils sont minutieusement construits afin de nous inciter à jouer avec ces mécaniques (à tel point que le jeu ressemble plus à Tony Hawk’s Pro Skater que Mario Kart par moments).

Au nombre de 36, les circuits de Mario Kart World sont un mélange d’anciens circuits remis au goût du jour, et de pistes exclusives. Si le nombre peut paraître faible en comparaison de la presque-centaine de Mario Kart 8, il faut tout de même noter que chaque circuit a été créé avec grand soin, afin de s’adapter aux nouvelles subtilités de gameplay, et que même les circuits déjà connus des joueurs ont bénéficié d’une mise à jour conséquente, à tel point que certaines courses semblent presque méconnaissables. Cependant, je trouve que de manière générale, les circuits manquent d’une identité propre, et que peu de courses se démarquent réellement. C’est selon moi une conséquence de l’open world, qui nécessite que chaque circuit s’inscrive dans un contexte spatial précis, et réduit donc les possibilités de circuits “concept”. Malgré tout, certaines pistes arrivent tout de même à sortir du lot et à avoir une identité bien à elle : je pense notamment au Spatioport Donkey Kong, directement inspiré du jeu d’arcade de 1981. Un niveau thématique très réussi, qui montre qu’il était tout de même possible de proposer des courses un peu plus originales que ce que l’on retrouve dans le jeu. Encore une fois, la plupart des courses ne sont pas mauvaises en soi : elles manquent simplement d’un peu de personnalité, et ne m’ont pas marqué plus que ça. Il y a tout de même du bon, comme la nouvelle version de la Jungle Dino Dino, ou celle du Bateau Volant, mais les nouvelles courses manquent selon moi d’un peu de folie pour la plupart, et je reste sur ma faim de ce côté là. Enfin, pour finir ce paragraphe sur les différents circuits, il est important pour moi de mentionner la Route Arc-en-Ciel de Mario Kart World : très surprenante, en raison de sa longueur, et de toute beauté, elle est impressionnant lorsqu’on la parcourt pour la première fois, et cette première visite vous restera sûrement en tête. Cependant, elle est finalement très linéaire, avec peu d'obstacles, on ne tombe pour ainsi dire jamais dans le vide, et elle n’est absolument pas difficile… Aussi belle que facile, cette version de la Route Arc-en-Ciel n’a pas totalement su me convaincre, et j’aurais préféré un niveau bien plus acrobatique, plus dangereux et plus difficile. J’apprécie en revanche beaucoup l’idée de faire de la Route Arc-en-Ciel une course plus longue que les autres, la rendant plus mémorable : dommage que le tracé ne soit finalement pas si intéressant que ça.

Concernant les modes de jeu, s’ils restent classique pour la plupart, certains utilisent le monde ouvert de Mario Kart World afin de se réinventer un peu. C’est le cas par exemple du mode Grand Prix, qui n’est plus constitué de 4 courses de 3 tours, mais d’une première course de 3 tours, et de 3 courses avec deux intermissions et un seul véritable tour. Le choix a été fait de nous faire circuler à travers le monde pour se diriger vers le prochain circuit du Grand Prix. Potentielle bonne idée sur le papier, c’est au final très frustrant de ne faire qu’un seul tour une fois arrivé sur la course en elle-même. D’autant plus que si les vrais circuits sont très funs à jouer, les intermissions sont majoritairement des tracés rectilignes, et les possibilités pour doubler ses adversaires plus réduites. Pire que ça, les courses se faisant maintenant à 24 joueurs, le nombre d’objets sur le terrain est maintenant deux fois plus important, et les intermissions sont remplies de caisses mystères : résultat, la grande majorité des courses se passe sur de grandes routes linéaires, où des dizaines d’objets fusent de chaque côté ! Notre classement dépendra alors plus de notre maîtrise des objets (et de leur timing d’utilisation) que de nos réels talents de pilotage. Et, soyons honnête, cette nouvelle formule laisse également plus de place à la chance dans le classement final : encore plus qu’auparavant, il n’est pas rare de se prendre une carapace bleue quelques mètres avant l’arrivée… Le nombre de joueurs augmente statistiquement les chances de se prendre un objet alors que l’on est en pôle position, et on le ressent très bien manette en main. Très frustrant lorsque l’on cherche à avoir le classement trois étoiles sur les différentes coupes, ce nouvel équilibrage a cependant le mérite d’empêcher aux joueurs les plus bons de prendre trop d’avance, et aux joueurs plus novices de finir systématiquement au bas du classement. Un souci exacerbé par le niveau des ordis, qui s’adaptent automatiquement au nôtre : impossible d’être trop en retard si l’on est pas très bon, il est également très difficile de prendre de l’avance si l’on maîtrise le jeu, et les adversaires contrôlés par la console auront la fâcheuse tendance à tricher éhontément lorsqu’ils se trouvent derrière nous. À tel point qu’une stratégie pour gagner facilement est de faire exprès de jouer mal, en ne faisant ni figures ni dérapages ! Comme mentionné plus haut, le mode Grand Prix pâtit selon moi de tous ces facteurs, et on regrette l’ancienne formule.
Pour faire des courses “normales”, on se tournera alors vers le mode Course VS, qui permet de jouer n’importe quelle course de façon classique. Et c’est tout de suite plus drôle selon moi que les Grands Prix, puisque l’on a pas à se coltiner les intermissions pénibles à la longue, et qu’on ne fait que les circuits, qui eux exploitent au mieux les possibilités de jeu. Dommage cependant que l'on ne puisse pas profiter de la sélection aléatoire des circuits, qui elle intègre les intermissions... Dans une future mise à jour je l’espère…

Mais alors, le point négatif du jeu, c’est son monde ouvert, et ses fichues intermissions ? Et bien non, puisque Mario Kart World propose également un nouveau mode, appelé Survie, qui consiste en un long trajet à travers le monde, où les concurrents les plus bas du classement sont petit à petit éliminés. Prenant place en très grande partie sur des segments d’intermission, cette course effrénée à travers la map se révèle la meilleure surprise du jeu, tant il s’agit d’un mode fun et plaisant à jouer. Logiquement, le début de la course est un joyeux bazar, où les objets fusent à tout va. Cependant, plus le temps avance, et moins les adversaires sont nombreux : d’une course totalement déjantée, qui repose majoritairement sur les objets et la chance, on évolue ainsi à un véritable jeu psychologique, où il faut rester concentré et ne pas faire d’erreur, au risque d’être éliminé. Moins d’adversaires signifiant moins d’objets, le bazar initial se transforme petit à petit en une démonstration de talent de pilotage, et la dernière partie de cette grande course, qui prend place au sein d’un circuit classique, apparaît ainsi comme une ultime épreuve, où la place de premier sera disputée entre les 4 joueurs encore en lice. Reprenant les codes du battle royal et les adaptant à la sauce Mario Kart, ce mode Survie est la meilleure surprise du jeu, alliant parfaitement les subtilités du gameplay de Mario Kart World et l’aspect fun si cher à la franchise. Un mode qui révèle son plein potentiel, comme le reste du jeu, joué à plusieurs autour d’un canapé et de quelques chips, et qui brisera, j’en suis sûr, plus d’une amitié !
Pour ceux qui souhaiteraient avant tout maîtriser toutes les subtilités du gameplay, et optimiser au mieux leurs trajectoires, le mode Contre-la-Montre est comme à son habitude de la partie. Enfin, un petit mot sur le mode Bataille, dont je n’ai jamais raffolé mais qui se révèle ici plus anecdotique qu’autre chose, et qui ne comporte que la Bataille de ballons et la Collecte de pièces, avec des arènes peu intéressantes au nombre faramineux de 8…

Le mode Balade, évoqué plus haut, est celui qui a le plus été mis en avant par le marketing du jeu : une totale nouveauté, il nous permet d’explorer de fond en comble l’immense carte du jeu. Très fun dans les premières heures, en partie à cause de l’effet de nouveauté, on se rendra tout de même rapidement compte des limites de ce mode : rien ou presque ne nous motive à explorer ! Dans le monde ouvert de Mario Kart World, il n’y a finalement que 3 types d’activités : collecter les médaillons Peach, faire les défis des interrupteurs P bleus, et trouver les panneaux "?" au sein des différents circuits. Toutes ces activités donnant la même récompense : des stickers pour mettre sur notre véhicule. Des stickers si petits qu’on les voit à peine une fois mis d’ailleurs… Et si trouver les 150 panneaux ? peut s’avérer rigolo, puisque l’on découvre ainsi l’envers du décors des circuits, compléter entièrement les deux autres objectifs s’avère nettement moins drôles. Les interrupteurs P lancent un court défi, à réaliser dans le temps imparti : s’ils sont sympathiques en soi, ils sont beaucoup trop répétitifs, et surtout, beaucoup trop nombreux ! Il n’y a pas de données précises indiquées dans le jeu, mais une courte recherche sur Internet me montre qu’il y en aurait 394 ! Et aucun moyen de voir sur la carte in game ceux déjà réalisés… De même pour les 200 médaillons Peach, presque introuvables pour certains, et non répertoriés sur la carte… Au final, après une dizaine d’heures, on préférera se tourner vers les modes de jeu plus classiques, et on laissera de côté ce monde ouvert. C’est en tout cas ce que j’ai fait. Dommage, puisqu’il reste très sympathique à parcourir, et qu’il regorge de nombreux easter eggs, mais le manque de gratification et la redondance des quelques objectifs ne nous poussent pas réellement à l’explorer.

Au final, j’en pense quoi de ce Mario Kart World ? Difficile de passer après l’excellent opus précédent, notamment en termes de contenu, Mario Kart World brille autant par son nouveau gameplay acrobatique qu’il ne fait grincer des dents en raison de certains choix incompréhensibles. Par exemple, je ne comprends pas comment en 2025, l’interface de ce jeu a pu être validée : la sélection des personnages est une véritable galère, puisque le choix a été fait de séparer individuellement chaque costume de chaque personnage, au lieu de regrouper tous les costumes dans un sous-menu, comme dans un Super Smash Bros. par exemple. Rien de grave, mais un souci d’interface bien réel, qui est parfaitement représentatif de Mario Kart World : un très bon jeu, avec beaucoup de potentiel mais qui n’arrive pas assez à nous donner envie de le découvrir. Le nouveau gameplay ouvre la voie à beaucoup de nouvelles possibilités, mais je ne suis pas convaincu qu’il soit en l’état exploité de manière optimale. Impossible de ne jouer que sur des circuits classiques dans le mode multijoueurs en ligne par exemple : un choix que je ne comprends pas.
Il ne manque pas grand-chose à Mario Kart World pour être un excellent jeu, mais le peu d'options de personnalisation de partie, comme on peut en retrouver dans Super Smash Bros. encore une fois, donne surtout envie d’attendre de potentiels futurs ajustements, afin d’y jouer dans les meilleures conditions possibles. S’il n’arrivera sûrement jamais à la cheville de Mario Kart Double Dash dans mon cœur, les quelques dizaines d’heures que j’ai passées sur Mario Kart World ont tout de même été de très bons moments, autant source de rires que de rage : tout ce que je pouvais espérer d’un Mario Kart donc. Puisqu’il est plus que probable que du contenu soit rajouté avec le temps, comme en témoigne le manque évident de costumes pour Donkey Kong et Pauline, qui comme par hasard sont au cœur du nouveau Donkey Kong prévu pour juillet, Mario Kart World a de beaux jours devant lui, et les premiers chiffres de ventes témoignent d’un accueil réussi. On ne peut qu’espérer un suivi du jeu régulier, et des mises à jours atténuant ses défauts (et par pitié un suivi des accomplissements dans le mode Balade, pour donner envie de le compléter), et Mario Kart World pourrait bien s’imposer comme l’un des meilleurs épisodes de la franchise.
